Sophie Zénon

L'Herbe aux yeux bleus, 2020-2023

Photographies / Estampages / Livre d'artiste / Installation

Quatrième volet de son cycle Rémanences, c’est sous ce titre énigmatique, L’herbe aux yeux bleus, que Sophie Zénon présente son dernier opus mené pendant quatre années dans l’Est de la France autour des plantes dites obsidionales, terme désignant en botanique les végétaux introduits par les armées étrangères pendant les périodes de conflits (guerres napoléoniennes, de 1870, de 14-18 et 39-45). Riches en symbolique et en poésie, ces recherches relativement récentes en botanique constituent une entrée originale pour dessiner en creux l’histoire d’un territoire, pour souligner les influences réciproques entre humain et végétal, et pour aborder les migrations sous un angle particulièrement novateur.

Située à la croisée des arts, de la photographie, de l’estampe, du tissage, de la sculpture et de l’installation, l’approche plastique de Sophie Zénon est plurielle et s’articule selon différents protocoles, convoquant tour à tour le corps dans le paysage, les codes de l’herbier et le travail du geste à l’atelier. Fidèle à sa démarche, Sophie Zénon s’est intéressée à révéler l’invisible, déléguant à chaque plante, à chaque fleur, à chaque arbre, son pouvoir d’expression. Dans une approche multifocale voisinent ainsi des empreintes uniques et expérimentales de plantes (photogrammes), des tirages au charbon d’écorces d’arbres « mitraillés », des sculptures délicates d’estampages sur papier tissés puis modelés, des paysages fantasmés sur voiles semi-transparent, un livre d’artiste aux techniques mixtes donnant à voir le dessin de la matière dans sa pure et simple beauté.

La Danse du Feu, 2022

Polyptyque composé de 12 plaques en acier émaillées et sérigraphiées. Format 53 x 240 cm.

Avec la collaboration de Marie-Hélène Soyer (Atelier Emaux-Métaux, Nantes), de Bretagne Emaillage (Héric) et du SPEF (Syndicat professionnel des émailleurs français).

La danse du feu est une oeuvre expérimentale, faisant dialoguer photographie et émail sur acier. En 2021, alors en résidence de création en Limousin, Sophie Zénon a découvert l’art ancestral de l’émaillage sur métaux, une technique consistant à recouvrir des plaques ou formes en acier, en cuivre, en inox, en argent ou encore en or, d’une ou plusieurs fines couches de verre coloré d’oxydes métalliques. Fascinée tant par cette matière que par l’histoire de ce médium fortement ancré en territoire limougeaud, Sophie Zénon a réalisé, avec la complicité de maîtres d’art, un polyptyque composé de 12 plaques en acier émaillées et sérigraphiées, version contemporaine de la technique du photo-émaillage mise au point à Limoges au XIXe siècle et dont les savoir-faire se sont aujourd’hui totalement perdus.

Bien moins connu que l'émail sur cuivre, l’émail sur acier offre des possibilités multiples d’effets de matières, de textures avec lesquels l’artiste à joué pour imaginer une pièce comme sortie des entrailles de la terre. Son polyptyque, jouant des textures et des oppositions (brillant/mat, lisse/rugueux, précieux/fruste), évoque tant la beauté du geste intime de l'émailleur que la mémoire collective de la main

Outils, 2022

Au départ, une intuition : celle de conjuguer la technique d’émaillage du champlevé à celle de l’héliogravure au grain, un procédé du XIXe siècle permettant le transfert d’une image photographique sur une plaque de cuivre par l’intermédiaire de gélatine photosensible. Ces deux techniques, pratiquées sur cuivre, ont en commun de dessiner en creux le motif par une morsure à l’acide. Lumière et transparence de l’émail ont donné à une série d’outils d’émailleurs photographiés tels des tableaux abstraits, puis héliogravés et encrés, une profondeur et un relief surprenants, transformant compas, plumes, pinceaux, spatules… en fossiles emprisonnés par les cristaux.